Les villes espagnoles connurent tout au long du XVIIIe siècle de profondes métamorphoses urbaines. Si plusieurs de ces projets ne culmineront pas avant le XIXe siècle, l'Espagne des Lumières fournit un fort élan urbain aux villes maritimes où l'économie est centrée sur le commerce.
La Couronne espagnole souhaita promouvoir ce renouvellement urbain grâce à une suite de tableaux sur les ports espagnols inspirée par les Ports de France de Joseph Vernet. Ils furent commandés par Charles III puis par Charles IV aux peintres Luis Paret y Alcázar et Mariano Sánchez. Ils souhaitèrent documenter de la manière la plus précise possible les domaines maritimes espagnols, symboles parlant de la modernisation du pays grâce aux progrès des génies civil et militaire, spécialement dans ces centres urbains à ce point important que furent les ports.
Tout au long du XIXe siècle, ces transformations urbaines finiront pour attirer l'attention des voyageurs sur cette Espagne de l'Atlantique. D'ailleurs, si le romantisme s'intéressa à tout ce qui touchait à l'Espagne, les guerres napoléoniennes et carlistes favorisèrent le séjour de nombreux dessinateurs professionnels, de militaires, d'amateurs ou de correspondants accompagnant les armées étrangères tels que George Cumberland, Edward Hawke Locker, Le Hardy, Richard Lyde et Thomas Lyde Hornbrook ou George Vivian.
Ce nouvel intérêt pour les principaux ports de l'Atlantique favorisa leur incorporation presque naturelle à cet imaginaire pittoresque espagnol. Des voyageurs "généralistes" commencèrent à inclure ces vues portuaires dans leur imaginaire espagnol. Les ateliers lithographiques français renouvelèrent l'image traditionnelle de ces ports véhiculée par Paret et Sanchez, notamment avec l'édition lithographique des Ports de Mer D'Europe. Presque simultanément, Alfred Guesdon proposa des photographies aériennes de plusieurs villes espagnoles, obtenues probablement avec la collaboration du photographe Charles Clifford depuis des montgolfières. Le résultat fut publié dans la série lithographique intitulée L'Espagne à vol d'oiseau.
Cependant, depuis le milieu du XIXe siècle, une puissante bourgeoisie favorisée par les progrès technologiques et notamment par l'émergence des chemins de fer et par la navigation à vapeur, promut une forte transformation urbaine des vieux paysages portuaires. Cette bourgeoisie favorisa une nouvelle école de paysagistes espagnols spécialisés dans les marines et les vues portuaires, tel qu'on peut le voir dans les œuvres de Campuzano, Martínez Abades, Riancho, Guiard, Solana ou encore Regoyos et dans lesquelles on constate une prédilection pour la vie quotidienne dans ces même ports de l'Atlantique. Paradoxalement, c'est cette même bourgeoisie qui figeait alors dans la mémoire collective les activités traditionnelles de ces ports à travers la peinture qui transformaient alors radicalement le paysage urbain de ces mêmes espaces, favorisant ainsi une tension croissante entre tradition et modernité durant cette fin de siècle espagnole.
- Poster